Confrontée à une hausse des prix de l’immobilier en raison du Grand Paris et des JO 2024, la Ville envisage des solutions pour lutter contre la spéculation.
« Je ne suis pas loin de Paris, c’est bien desservi par les transports en commun, je peux me balader au bord du canal… » Propriétaire d’un 80 m2 dans le quartier Gare depuis août 2016, Nicolas ne regrette pas son achat. Ce cadre de 39 ans est tombé sous le charme de cette « ville populaire et multiculturelle qui dispose d’une véritable vie culturelle et sociale ». Mais ce n’est pas uniquement le cadre de vie qui l’a séduit, c’est aussi le prix : 3 000 € m2, soit trois fois moins cher que dans la capitale où le prix moyen du m2 dans l’ancien frôle les 9 000 € (1). « À Paris, le prix des studios se situe autour de 200 000 €. Quel intérêt d’acheter quand on peut acquérir un 28 m2 à 100 000 € à Saint-Denis pour faire de la location ?, s’interroge Noureddine Benmouhoub, directeur de l’agence Era à la Plaine. Saint-Denis est la moins chère des villes de la petite couronne collées à Paris. » Il suffit en effet de regarder les derniers chiffres de la chambre des notaires pour se rendre compte de la différence de prix dans l’ancien : 5 740 € le m2 en moyenne en Île-de-France, 4 900 € à Pantin, 4 530 € à Saint-Ouen et… 3 300 € à Saint-Denis.
« Les infrastructures des JO valoriseront l’image de la ville »
Mais, selon le directeur de l’agence Era, la ville qui a longtemps eu « mauvaise réputation » est aujourd’hui dans le viseur des investisseurs immobiliers. Raison principale ? Saint-Denis sera le futur centre névralgique du département avec la construction de deux gares du Grand Paris Express : Stade de France (ligne 15) et Saint-Denis Pleyel (ligne 14). « La qualité du réseau de transport et la proximité avec Paris font beaucoup évoluer les prix, confirme David Proult, maire adjoint à l’aménagement durable, à l’urbanisme et au foncier. La gare Saint-Denis Pleyel permettra l’interconnexion entre les lignes 14, 15, 16 et 17 du Grand Paris Express. Il faut avoir en tête que ce sera Les Halles du XXIe siècle. » L’implantation du village olympique lors des Jeux olympiques 2024 a également un effet non négligeable sur les prix. « Les infrastructures des JO valoriseront l’image de la ville. Les prix sont d’ailleurs repartis à la hausse depuis l’annonce des Jeux », constate Noureddine Benmouhoub.

Basilique de Saint-Denis. Photo : Pascal Lemaitre
Conséquence : le prix du m2 a augmenté de 13,4 % dans l’ancien à Saint-Denis en l’espace d’un an selon le directeur d’agence. Une flambée immobilière que l’on retrouve dans le neuf : « Les nouveaux logements sont actuellement de 15 à 25 % au-dessus des autres programmes à Saint-Denis, soit environ 4 400 €/m2 pour les appartements familiaux. » Des chiffres qui concordent avec ceux de David Proult qui « observe une hausse importante des prix dans les quartiers Pleyel et centre-ville depuis 2017, mais aussi à la Plaine et Porte de Paris dans une moindre mesure. » Noureddine Benmouhoub constate de son côté une envolée du m2 à Pleyel et à la Plaine : « Plus on va vers le sud, plus les prix augmentent, en particulier dans le secteur Front Populaire où la demande locative est très forte. » À l’origine de cette hausse récente, l’installation de nombreuses entreprises, notamment dans le Parc des Portes de Paris qui devrait attirer de nombreux cadres dynamiques. Plus prometteur encore pour les futurs propriétaires-bailleurs : la construction du Campus Condorcet et ses 12 000 étudiants.
Le Campus Condorcet. Photo : Vincent Bourdon. Droits réservés.
Mais « la politique de la Ville en matière d’immobilier permet pour l’instant d’éviter l’explosion des prix », nuance Noureddine Benmouhoub. Contrairement à d’autres communes du département, Saint-Denis dispose en effet de nombreuses armes pour juguler la hausse de prix. La Ville fait appliquer aux promoteurs la Convention qualité des constructions neuves de Plaine Commune. Cette charte définit un certain nombre de règles pour limiter la spéculation : prix plafond pour l’acquisition de biens sur plan dans les ZAC (2), prix de vente plafonds (3), construction limitée de petits logements qui favorisent en général la spéculation… « Si les règles ne sont pas respectées, le permis de construire n’est pas accordé, met en garde David Proult. Ce n’est pas au promoteur de faire la ville de demain, c’est à la Ville d’imposer ses conditions. »
La municipalité planche également sur d’autres solutions pour juguler la hausse des prix. L’extension du dispositif de l’accession sociale à la propriété (4) permettrait à un nombre accru de ménages à faibles revenus de devenir propriétaires. Autre dispositif étudié : l’ouverture d’un organisme de foncier solidaire (OFS) pour dissocier la propriété du sol et du bâti, et donc réduire le prix de vente des biens. « Ces deux outils permettent de produire du logement entre 15 et 20 % moins cher, estime David Proult. Notre défi, c’est d’accueillir des populations nouvelles à Saint-Denis sans que cela se fasse au détriment des Dionysiens, y compris les couches populaires qui sont dans un parcours résidentiel (5). »
Julien Moschetti
(1) 8 900 € le m2 selon le site MeilleursAgents.
(2) Zone d’aménagement concerté (ZAC) est une procédure d’urbanisme opérationnel, qui permet à une collectivité ou un établissement publics de réaliser ou de faire réaliser l’aménagement et l’équipement de terrains.
(3) Entre 3 165 et 4 200 € TTC le m2 à Saint-Denis.
(4) Mise en œuvre par la CAPS (Coopérative d’accession sociale à la propriété).
(5) Consiste à accompagner les locataires tout au long de leur vie en leur proposant des logements adaptés à leur situation.
Publié dans le journal de Saint-Denis (JSD) le 28 février 2018.